Souvenirs de guerre d’un marin allemand – La suite

Mise à jour 28 septembre 2020

L’histoire de deux marins allemands du T24 se poursuit sur le blogue crée pour laisser la parole aux enfants de ces marins: Willi Küllertz et Manfred Kühn.

Voici la table des matières.

Table des matières/Table of Contents/Inhaltsverzeichnis


J’avais écrit ce billet en février 2019 suite à ma rencontre virtuelle avec le fils d’un marin allemand qui se trouvait sur le T24 le 29 avril 1944.


C’est en septembre 2009 que je commençais à écrire sur les souvenirs de guerre d’un marin canadien. C’était l’oncle de ma femme qui nous avait raconté lors d’une rencontre de famille qu’il se trouvait à bord du destroyer Athabaskan le 29 avril 1944. 

HMCS Athabaskan 11

Il était dans la salle des machines en train d’écrire à ses parents quand son prochain souvenir fut d’être rescapé par le destroyer Haida. L’Athabaskan avait été torpillé par le Torpedo Boat allemand T-24.

t-24-torpedo-boat1

Dans la salle des machines du T-24 se trouvait un autre marin.

Wilhelm Küllertz

Wilhelm Küllertz

Son fils Willi m’a raconté son histoire que je vais partager ici.


La semaine dernière Manfred m’a écrit un commentaire sur Souvenirs de guerre. Je lui ai demandé comment il avait trouvé mon blogue. Il cherchait tout simplement sur Internet à comparer la photo qu’il avait du capitaine du T24 dans les souvenirs de son père.

L’Athabaskan fut coulé par une torpille lancée par le T24. Le reste de l’histoire a été fort bien documenté dans le livre Unlucky Lady co-écrit par Émile Beaudoin et Len Burrow.

cover page 1

Émile Beaudoin on le voit à côté d’Alfred Kuhn, le père de Manfred.

Ce que l’histoire ne nous raconte pas par contre en détails c’est combien de marins de l’Athabaskan furent rescapés et sauvés d’une mort certaine dans les eaux glacés par l’équipage du T24 dont faisait partie Alfred Kuhn.

Souvenirs de guerre, tout comme Lest We Forget, sa version anglaise, est écrit pour honorer tous ces héros dont l’histoire ne parle jamais.

Son fils Manfred m’a raconté son histoire que je vais partager bientôt ici.

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Mon ami Willi

Mise à jour 28 septembre 2020

L’histoire de deux marins allemands du T24 se poursuit sur le blogue crée pour laisser la parole aux enfants de ces marins: Willi Küllertz et Manfred Kühn.

Voici la table des matières.

Table des matières/Table of Contents/Inhaltsverzeichnis


Je ne connaissais pas Willi Küllertz quand il a écrit ceci le 31 août 2018…

La source est ici…

http://pga-medoc.fr/willi-kullertz/

Willi Küllertz

31.8.2018

Sujet: 24.08.1944
Nom: Willi Küllertz

Message :

Pourquoi le Médoc ? – à cause du 24 août 1944 !
Je reviens un peu en arrière : il y a environ 2 ans, ma mère m’a remis une caisse avec des vieux documents de mon père. En fait, j’étais déjà très bien informé sur la période où il avait été soldat puis prisonnier, parce qu’il répondait toujours volontiers quand j’avais des questions sur ce sujet. Et donc j’avais pu me faire, en gros, une idée sur cette partie de sa vie. Et puis j’ai regardé dans la caisse et de nombreuses nouvelles questions se sont posées. Depuis, je me suis attelé infatigablement – comme pour une mosaïque- à organiser tous les petits détails pour former un tableau complet.
Mon père (1925-2000) était dans la Kriegsmarine brigadier-chef mécanicien sur le torpilleur T24. Leur zone d’engagement était à l’époque le golfe de Gascogne, avec Bordeaux comme port-arsenal. Comme souvent déjà, le T24 se trouvait avec le destroyer Z24 en rade dans l’estuaire de la Gironde entre Royan et Le Verdon, en tant que position de DCA flottante. La raison pour laquelle ils ne « sortaient plus » était le manque de carburant et des dégâts non réparés sur les bateaux.
A ce moment là, ces 2 bateaux étaient les deux derniers bâtiments d’une certaine taille que la Kriegsmarine possédait encore en zone Ouest, tous les autres avaient déjà été détruits.
Au matin du 24 août 1944, ces deux bateaux ont été attaqués par un groupe formé de bombardiers Mosquito britanniques et canadiens. C’était du reste l’une des toute premières attaques de missiles air-mer. Le T24 fut gravement touché et coula tout de suite. Le Z24 parvint, bien qu’il donne fortement de la bande, à se réfugier au Verdon où il coula la nuit-même dans le port. Il y eut de nombreux morts et blessés. Ils furent repêchés par la capitainerie du port du Verdon. Mon père a survécu à tout cela et resta dans la forteresse Gironde-Sud en tant que fantassin dans le « bataillon de marine Narvik » formé avec les survivants.
D’après les documents officiels de la WASt à Berlin, il a été fait prisonnier le 20.04.1945. Il a donc survécu à la guerre. Au dépôt de PG 184 à Soulac, il a cherché et désamorcé des mines les premiers temps. Il a aussi survécu à cela. Il y avait des morts tous les jours. Celui qui survivait au déminage pouvait aussi mourir dans la nuit ; au matin, on sortait les dépouilles. La raison ? le manque de nourriture, il n’y avait rien à manger. Par chance, il a aussi survécu à ça. Après quelques mois, il fut envoyé comme travailleur chez un viticulteur. Là, les choses allèrent mieux pour lui. Au bout de peu de temps le « méchant allemand » faisait quasiment partie de la famille. Il rentra chez lui en décembre 1948. Au cours de ses dernières années, il m’a souvent demandé si je n’aurais pas envie de retourner là-bas avec lui. « Bien sûr !» lui ai-je toujours répondu. Mais qui aurait imaginé qu’il nous quitterait si tôt ? Et la promesse que je lui avais faite n’a pas été tenue. Mais je ne voulais pas renoncer à ce qui restait moralement de ma promesse. Après tout, mon père me regarde encore de tout là-haut…
Entre temps, j’ai lu le livre « Spurensuche am Atlantik » de Karin Scherf. Après une conversation téléphonique avec elle, les choses étaient claires pour moi : il fallait que j’y aille ! Après des recherches intensives, j’ai pu retrouver la famille des descendants du viticulteur. Il y a eu de l’intérêt des 2 côtés et, en août 2018, j’ai passé avec ma femme 2 semaines de vacances chez la belle-fille du patron à St Gaux (qui fait partie de St Germain d’Esteuil). Nous avons fait la connaissance de toute la famille. Des gens adorables et très respectueux. Ça c’est l’Europe vivante! Un séjour formidable ! Un mélange d’une région + ses habitants, de détente + plaisirs et de cours d’histoire en direct. J’ai pu combler nombre des lacunes qui demeuraient dans mes documents. Mes attentes, pourtant très hautes, ont été incroyablement surpassées. Et je le referais sans hésiter ! Ce sont les vacances les plus extraordinaires de ma vie jusqu’à présent !
Le seul « trou » dans mes recherches reste toutefois l’attaque du 24 août 1944. L’unité aérienne britannique est dissoute depuis longtemps et, aux Archives Militaires de Londres, on montre peu d’intérêt. L’unité canadienne, après contact avec l’officier de presse, m’a envoyé quelques photos. Mais rien d’autre. Mes résultats sont donc bien maigres.
Je suis extrêmement intéressé par des informations supplémentaires sur la forteresse Gironde-Sud, le bataillon de marine Narvik et le dépôt de PG 184.
Pensez-vous qu’il y ait une possibilité d’obtenir d’autres informations, éventuellement par des Archives, des témoins ou des récits de l’époque ?
Je serai reconnaissant pour le moindre détail. Auriez-vous envie de « monter dans ce train » ? Si oui, je vous en remercie d’avance. Je serai content d’avoir une réponse de votre part. J’insiste là-dessus car je n’ai pas l’intention de faire une quelconque pression sur qui que ce soit. Seule la patience est récompensée.

Willi Küllertz

Willi m’a trouvé sur Souvenirs de guerre en janvier dernier.

Son père était chef-mécanicien à bord du torpilleur T24 qui coula l’Athabaskan le 29 avril 1944. Il était dans la salle des machines. L’oncle de ma femme, lui, était dans la salle des machines de l’Athabaskan… Wilhelm Küllertz a peu parlé de son service militaire à ses fils. Il a parlé par contre de ses trois ans en captivité en France. Willi avait écrit les mémoires de guerre de son père en allemand. Je les ai traduites en français et en anglais sur le blogue que j’ai crée pour son père et lui.

75 ans plus tard l’histoire du torpillage de l’Athabaskan s’écrit de nouveau.

Les souvenirs de guerre d’un marin allemand – Chapitre quatre

 

Voici la suite de l’histoire d’un marin allemand telle que racontée par son fils Willi. Son père Wilhelm Küllertz n’a pas tellement parlé de l’attaque des Beaufighters qui coulèrent le torpilleur T24.

Dans l’estuaire de la Gironde, les deux navires sont apparus plusieurs fois ensemble. En raison de la pénurie de carburant et des dommages non réparés causés par différentes attaques depuis le 29 avril 1944, les deux navires ont été utilisés pour se protéger contre les raids aériens sur la région de Royan et du Verdon comme navires antiaériens flottants. Après l’évacuation de Bordeaux en août 1944, les forteresses de la Gironde-Nord (Royan) et de la Gironde-Sud (Le Verdon) se forment et le 24 août 1944, le T24 et le Z24 sont de nouveau en attente dans l’estuaire de la Gironde. Ils ont subi une autre attaque aérienne sérieuse de la part de deux escadrons du Coastal Command, le 404e Escadron de l’ARC et le 236e Escadron de la RAF. Les navires ont été attaqués par un total de 18 Beaufighter. Ce fut l’une des premières attaques à la roquette de l’histoire, au cours de laquelle T24 reçut quelques coups sous la ligne de flottaison et coula immédiatement. Le Z24, a également pu atteindre Le Verdon mais a coulé plus tard dans la nuit. Il y a eu beaucoup de morts et de blessés. Cependant, la flottille de protection du port a pu sauver la plupart des marins. Wilhelm Küllertz a survécu à l’attaque sans subir de blessures graves et il a réussi à s’échapper à temps du bateau qui coulait. Aussi de la mer agitée (le fort courant de la Gironde) il a pu survivre et a été sauvé. Selon ses propres dires, il n’a pas été blessé et il a été en mesure de soutenir les opérations de sauvetage et a aidé à sauver des vies. Pour cela, on lui a probablement décerné la croix de fer première classe, mais il ne l’a jamais reçue.

Willi Küllertz


Je ne suis pas l’auteur de ce qui suit. 

La source est ici:

http://www.laroyale-modelisme.net/t17265-24-aout-1944-la-fin-du-z24-et-du-t24-devant-royan-et-le-verdon

Le récit de l’attaque est tout à fait remarquable et raconte la fin du T24, le navire du père de Willi Küllertz.


14 août 1944, la fin du Z24 et du T24

Bonjour à tous,
Je vais vous présenter une histoire vraie, dont mon père m’a parlé quand j’étais gamin et dont j’ai trouvé des traces dans les archives de mon grand-père. Il s’agit de faits historiques qui se sont déroulés dans l’estuaire de la Gironde et qui retracent quelques-uns des faits d’armes de la Kriegsmarine dans la région. Le texte est assez long et j’ai essayé de l’agrémenter de photos d’époques des différents navires prises sur les lieux.

Bonne lecture les amis

Les flottilles allemandes en Gironde :

Les premières flottilles arrivent en Gironde dès l’été 1940. Pendant quatre ans, placées sous l’autorité de la 4.Sicherungsdivision, ces flottilles vont être chargées d’assurer l’escorte des convois le long des côtes du Sud-Ouest et de veiller à la sécurité de l’estuaire de la Gironde.

La 2.M.Flotille du Korvettenkapitän Kurt Thoma arrive à la fin du mois d’août 1940 pour nettoyer l’estuaire infesté de mines. Le mois suivant arrive la 4.Vp.Flotille du K.Kpt. Karl Wilhelm Müssen qui sera affectée à Bordeaux.

En janvier 1943, la 2.M.Flotille sera transférée à Bénodet, puis est remplacée à Royan par la 8.M.Flotille du K. Kpt Gerhard von Kamptz. Au début du mois d’août, le port de Royan se voit attribuer la 2.Sperrbrecher-Flotille du K.Kpt Rudolf Kömer.

Au printemps 1942, la 8.M.Flotille quitte la Gironde pour rallier la Manche et est remplacée par la 6.M.Flotille du K.Kpt Hans John. Celle-ci, est rejoint en mars 1943 par la 28.M.Flotille, du K.Kpt Gerhard Bidlingmaier, qui s’installe à Pauillac. Enfin en juin, la 6.M.Flotille rejoint Concarneau et la 8.M.Flotille est de retour à Royan.

En 1944 ne restent donc en Gironde que les 8. et 28.M.Flotillen, la 2.Sperrbrecher-Flotille et la 4.Vp.Flotille, qui seront toutes anéanties en août par l’aviation alliée.

Petite revue des forces en présence dans l’estuaire durant la guerre:

La 2.Minensuchflottille
Cette flottille, constituée en Allemagne en 1936, est dotée de 13 bâtiments de la classe M35 ou M39.

La 4.Vorpostenbootsflottille
Constituée en Allemagne le 25 septembre 1939, cette flottille de patrouilleurs est dotée de 19 bâtiments codés du V404 à V411, du V413 au V415, du V420 au V422 ainsi que du V424.

La 2.Sperrbrecherflottille
Créée à Wessermünde en Allemagne le 1er juillet 1940, cette flottille est constituée de navires marchands adaptés pour le dragage des mines magnétiques. Elle aligne 18 bâtiments. Le Tulane fût un temps transformé en navire de commandement. Cette flottille, constituée en Allemagne en 1936, est dotée de 13 bâtiments de la classe M35 ou M39.

La 8.Minensuchflottille
Constituée le 14 mars 1941 à Kiel-Wik, cette flottille est affectée à Royan afin d’être utilisée dans des missions de dragage, de convoyage et de protection des navires en transit le long des côtes. Elle dispose de 14 bâtiments des types M35, 38, 39 et 40.

La 6.Minensuchflottille
Cette flottille, reconstituée le 15 mai 1942, est dotée de 14 bâtiments de la classe M39.

La 28.Minensuchflottille
Constituée le 1er décembre 1942, avec les équipages de l’ancienne 18.M-Flottille, cette flottille aligne 9 navires du type M40.

La 8.Zerstorerflottille
Au début de l’année 1943, les briseurs de blocus éprouvent de plus en plus de difficultés pour passer au travers des mailles du filet tendu par les anglo-saxons. Aussi, le haut-commandement décide-t-il de transférer en Gironde une flottille de destroyers afin de protéger leurs mouvements dans le dangereux golfe de Gascogne.

Choisie pour cette mission, la 8.Z.Flottille quitte la Norvège pour atteindre Le Havre le 6 mars après un court passage dans un port allemand. En deux étapes nocturnes, le Z23, le Z24 et le Z32 gagnent la Gironde qu’ils atteignent dans la matinée du 8 mars, après avoir passé la journée précédente à Cherbourg. Escortés dans l’estuaire par le Sperrbrecher 5 Schwanheim, ils arrivent finalement à Bordeaux à 8 h 00. Le Z37, resté au Havre pour avarie, rejoindra Royan dans la soirée du 19 mars en compagnie du T2.

Les destroyers effectuent alors plusieurs missions d’escortes, l’opération « Sacco » en protection du briseur de blocus Himalaya, ou l’opération « Arno » à la rencontre du Pietro Orseolo qui arrive d’Extrême-Orient. Le 3 mai, le Z23, le Z24 et le Z32 quittent la Gironde pour une série d’exercices dans le golfe. Au retour le 6 mai, le Z23 gagne La Pallice où il va rester en révision générale pendant quatre mois, jusqu’au 10 août. Les deux autres destroyers rentrent à Bordeaux. Une patrouille les mène jusqu’à Brest le 4 juin, mais ils sont de retour à Royan cinq jours plus tard. Le 14 juin, ils appareillent pour se porter à la rencontre de l’U-564 qui vient de lancer un appel de détresse. Mais le Z32 doit faire demi-tour sur ennuis mécaniques et le Z24 arrive trop tard, le sous-marin ayant été coulé par un Whitley de la No 10 OTU. Son équipage, recueilli par l’U-185, est transféré à bord du destroyer qui le conduit en Gironde.

Au début du mois suivant, le Z24 et le Z37 partent recueillir les U-180, U-518 et U-530 de retour d’opération. Ils les accompagnent jusqu’à Bordeaux le 3 juillet. Enfin le 22 juillet, le Z24, le Z32 et le Z37 escortent les U-117, U-459 et U-461 partants en opération.

Au cours des mois suivants, l’activité de la flottille va se résumer à quelque sorties dans la golfe de Gascogne pour effectuer des manœuvres et des exercices de tir et de torpillage. Le 5 novembre, la flottille est renforcée par les destroyers Z27 et ZH1, qui arrivent au Verdon dans la soirée. En décembre la flottille participe aussi à l’escorte des briseurs de blocus rentrant d’Extrême-Orient.

Le 1er janvier 1944, le Z24 est transféré à La Pallice pour y subir, au Kriegsmarinewerft, une profonde refonte qui va durer quatre mois. Le 29 janvier, trois destroyers appareillent pour une série d’exercices dans le golfe. Mais dans la nuit le Z32 entre violemment en collision avec le Z37 à la suite d’une fausse manœuvre, provoquant l’explosion d’une torpille à bord de ce dernier. Des incendies se déclarent sur les deux destroyers, mais ils sont maîtrisés. Gravement endommagé sur tribord arrière, le Z37 peut être remorqué par le Z23 jusqu’aux Chantiers de la Gironde, mais il restera indisponible jusqu’à ce qu’il soit finalement sabordé le 25 août. Le Z32, dont la proue est enfoncée, restera indisponible jusqu’au 2 mai. L’activité de la flottille sera relativement réduite jusqu’au débarquement.

Le 9 mars toutefois, le Z23 et le ZH1 appareillent pour se poster dans le sud du golfe de Gascogne à la rencontre du sous-marin japonais I-29 qu’ils escortent en compagnie des torpilleurs T27 et T29 jusqu’à Lorient.

Le 5 mai, la flottille est rejointe par le Z24, qui vient d’achever sa refonte.

Un dernier exercice est effectué dans le golfe par les quatre destroyers entre le 17 et le 19 mai, puis le Z23 gagne La Pallice pour y subir une nouvelle refonte.

Ainsi, ce n’est qu’avec trois destroyers que la 8.Z-Flottille, commandée par le Kpt.z.S Theodor Freiherr von Mauchenheim, va quitter la Gironde le 6 juin pour aller combattre la flotte d’invasion alliée. Seul le Z24 en reviendra, pour être coulé devant le Verdon le 24 août en compagnie du T24. Le Z23 de son côté, endommagé le 12 puis le 16 août par les bombardiers lourds britanniques visant le port de La Pallice, sera sabordé le 21 août.

Objectif : anéantissement des forces de surface

Dès le fin juillet 1944, les britanniques lancent sur les côtes du golfe de Gascogne une grande offensive (opération « Kinetic ») contre les derniers navires de la Kriegsmarine. Les redoutables chasseurs-bombardiers du Coastal Command ont fait leur apparition au dessus de l’estuaire et en un mois, ils vont provoquer une véritable hécatombe. Leur première victime est le dragueur auxiliaire M4457 ex-C.P. Andersen (423 BRT) qui est coulé le 28 juillet devant Hourtin. Au cours de la même attaque, le patrouilleur V410 est endommagé. Infestées de mines et continuellement survolées par les chasseurs bombardiers, les eaux de l’estuaire deviennent extrêmement dangereuses. Avec le mois d’août, la descente aux enfers pour les navires de la Kriegsmarine basés en Gironde va être rapide et irréversible.

La navigation devient de plus en plus difficile, gênée par les nombreuses mines magnétiques qui constituent une importante menace. Presque chaque nuit, une dizaine de Halifax du Bomber Command viennent les larguer dans l’estuaire. Les dragueurs lourds et les Sperrbrechers font leur possible pour déminer, mais la tâche est énorme. Le 11 août, deux dragueurs de la 8.M-Flottille quittent Bordeaux avec du ravitaillement pour la forteresse de Saint-Nazaire. Mais à 19h55 devant Pauillac, le M27 de l’ObIt.z.S. Christoph Schickel heurte une mine et coule. Le naufrage fait quarante-et-un morts, dont le K.Kpt. Arnuif Hoizerkopf, commandant la flottille. Endommagé le 17 août à 0h 20, le dragueur lourd M363 parvient à rentrer à Bordeaux. Le lendemain, le M304 est lui aussi endommagé. Le dragueur auxiliaire M4207 ex-Les Baleines (253 BRT) a par contre moins de chance. Il coule à 18h57 près de la bouée n° 35.

La principale menace, qui pèse sur la navigation en Gironde, vient du ciel. Dans la matinée du 12 août, trente cinq Mosquitos des No 235 et 248 Squadrons s’en prennent aux navires évoluant à l’entrée de l’estuaire. Devant Royan, ils attaquent à la bombe et au canon un dragueur lourd et trois patrouilleurs. Sérieusement touché, le M370 doit s’échouer à 10h20.

Devant Le Verdon, le Sperrbrecher 5 Schwanheim n’est que légèrement endommagé à 10h30, mais ses heures sont comptées. Le patrouilleur V410 ex-Germania (427 BRT), incendié à 10h45, est abandonné par son équipage qui a deux tués. Les gros Sperrbrechers sont l’une des proies favorites des chasseurs-bombardiers.

Dans la matinée du 13 août, à 9h30, dix-huit Beaufighters des No 236 et 404 Squadrons conduits par le W-Cdr A. Gadd surprennent le Sperrbrecher 5 Schwanheim (5339 BRT) et le Sperrbrecher 6 Magdeburg (6128 BRT) à l’ancre devant Royan.

Attaqués à la roquette et au canon, ils ripostent violement mais sont rapidement mis en feu. Ils couleront dans la matinée du lendemain. Les équipages ont subi de nombreuses pertes, dont treize morts sur le Schwanheim et huit sur le Magdeburg. Un appareil du No 236 Squadron a été abattu.

Le 14 août, les Mosquitos endommagent devant Le Verdon le Destroyer Z24, qui a été repéré l’avant-veille sans être attaqué, et le tanker Schwarzes Meer (3371 BRT). Sortant juste de réparation suite à l’engagement du 9 juin dernier en Bretagne, le destroyer reçoit cinq roquettes et une centaine d’obus qui provoquent encore de gros dégâts. Il doit retourner à Bordeaux pour de nouvelles réparations.

Le 21 août, après plusieurs jours de mauvais temps, les chasseurs-bombardiers sont de retour sur l’estuaire. A 17h30, les Mosquitos des No 235 et 248 Squadrons coulent le draguer lourd M292 et endommagent le patrouilleur V407. Trois jours plus tard, ils coulent devant Royan le patrouilleur V473 ex-Ferdinand Niedermeyer (286 BRT). Ce même 24 août, les Beaufighters obtiennent leur plus belle victoire en détruisant le destroyer Z24 du K.Kpt. Heinz Birnbacher et le torpilleur T24 du Kptlt. Wilhelm Meentzen devant le Verdon (je reviendrai sur cet épisode en partculier).

La dernière victime des chasseurs-bombardiers est le petit patrouilleur V411 ex-Saarland (435 BRT) qui est attaqué le 26 août à 17 h 30 devant Royan et coule à la suite de l’explosion de sa chaudière. Le lendemain, le V404 ex-Baden (321 BRT) et le M4206 ex-Picorre (287 BRT) sont sabordés à Royan. Les équipages rescapés de tous ces bâtiments détruits ou sabordés, notamment ceux des Sperrbrechers, vont former dans la Festung Gironde Nord, sous les ordres du F.Kpt. Fritz Drevin, le Marine-Bataillon Tirpitz qui sera intégré au dispositif défensif de la forteresse (On pourra parler de tout ça Laurent un de ces jours). Désormais, hormis les petits Hafenschutzboote, il ne reste plus un seul navire opérationnel dans l’estuaire, les derniers ayant été sabordés à Bordeaux. La Kriegsmarine anéantie a cessé de régner sur la Gironde.

Le 25 août, immédiatement après le départ des deux derniers U-Boote, le minage du port de Bordeaux est entrepris. Mais la destruction des installations portuaires exigée par l’OKW ne se fera pas. En effet, avec l’approbation du Gen.Lt. Albin Nake, le K.Kpt. Ernst Kûhnemann (Hafenkommandant) fait seulement procéder dans la journée au sabordage de nombreux navires dans la Garonne pour provoquer un embouteillage. Un barrage est ainsi mis en place à hauteur de Lagrange à une dizaine de kilomètres en aval de Bordeaux. En bloquant efficacement le port, il en interdira l’utilisation. Dix-huit navires, dont des anciens briseurs de blocus, y sont sabordés en trois groupes (groupe aval : cinq navires dont Osorno (6951 BRT), Eisa Essberger (6103 BRT), Usaramo (7775 BRT) et Scharlacheberger (2877 BRT); groupe central : six navires dont Himalaya (6240 BRT), Rastenburg (4479 BRT), Tannenfels (7840 BRT) et Stanasfalt (2 468 BRT); groupe amont : sept navires dont Fusijama (6 244 BRT), Nordmeer (5646 BRT) et Schwarzes Meer (3371 BRT)). A Bordeaux même, une vingtaine de navires sont coulés sur les quais ou au milieu de la Garonne, dont le Sperrbrecher 3 Belgrad, les dragueurs lourds M262, M304, M363 et M463 de la 28.M-Flottille, le dragueur auxiliaire M4442 ex-Touquet (251 BRT), le patrouilleur V407 ex-Dorum (470 BRT), le tender Nordsee , le tanker Frisia (953 BRT), les cargos Derindje (3063 BRT), Dresden (5567 BRT) et Merceditta (1162 BRT), et les chalutiers Brook (237 BRT) et Sardella (329 BRT). Vingt-deux autres navires sont sabordés à Bassens, dont dix-huit dragues et le pétrolier Burano (4450 BRT). Aux Forges et Chantiers de la Gironde, le Sperrbrecher 14 Bockenheim et le destroyer Z37 sont mis hors service, le dernier dans la grande forme de radoub. En tout, ce sont près de 200 bateaux représentant 170000 BRT qui sont ainsi coulés intentionnellement. Enfin, les sous-marins U-178, U-188 et UIT-21 sont sabordés dans le U-Bunker (la base sous-marine de Bordeaux) dont toutes les installations intérieures sont dynamitées.

14 août 1944, la fin du Z24 et du T24

La 8.Zerstörerflottille, placée sous le commandement du Kapitan zur See Freiherr Theodor von Mauchenheim Genannt Bechtolsheim, formée des Z24, Z32, ZH1 et du T24, est prise à partie le 9 juin 1944 au large de l’île de Batz, par la 10th Destroyer Flotilla du Captain B. Jones. Suite à cet engagement, le Z32 touché vient s’échouer sur l’île de Batz, le ZH1 sévèrement avarié se saborde et coule, alors que le Z24 et le T24 parviennent à rallier Brest. Le 1er juillet, le Z24 et le T24 quittent Brest pour Bordeaux sous le commandement du nouveau « pacha » de la 8.Zerstörerflottille, le Fregattenkapitan Ritter und Edier Herr George von Berger (ex Kdr du Z32), qui a transféré son état-major et son pavillon de chef de flottille sur le Z24.

Le 14 août au Verdon, le Z24 est attaqué par deux bimoteurs britanniques alors qu’il était en rade. Endommagé légèrement par des roquettes et ne pouvant être réparé sur place, il rejoint Bordeaux en compagnie du T24. Tous les deux sont alors amarrés près du hangar n°13 (Sperrwaffenlager).

Le 22 août, sous la pression des FFI, l’ordre d’évacuation de la base navale de Bordeaux est donné par le Konteradmiral (Ing) Cari Weber commandant la Kriegsmarinewerft. On commence alors à transborder un grand nombre de matériels, d’armes et de vivres sur le Z24 depuis les entrepôts voisins. Durant la manoeuvre quelques marins d’origine alsacienne désertent et rejoignent la résistance. D’ailleurs celle-ci ne reste pas inactive pour entraver le départ des Allemands, car en fin d’après-midi le hangar n°13, bourré d’explosif, saute. La résistance avait creusé un tunnel sous la rue voisine pour le miner. Suite à l’explosion, plusieurs soldats allemands trouvent la mort et de nombreux blessés sont évacués sur le Z24. Après le chargement effectué, le Korvettenkapitàn Birnbacher donne l’ordre d’appareiller et le Z24 se laisse dériver d’une centaine de mètres, sans utilisation des machines, en attendant le retour du Kommando de l’arsenal resté à terre pour saboter les installations restantes. De son côté le T24 du Kapitänleutnant Meentzen, toujours en réparation, n’est pas prêt et reste au port au milieu des épaves de navires que les Allemands viennent de couler pour pratiquer des obstructions.

Dans la matinée du 23 août, le Z24 appuyé en couverture sous-marine par deux U-Boote, le U-219 et le U-437, rejoint Le Verdon. Le U-219, du type XB équipé d’un Schnorchel, est placé sous les ordres du Korvettekapitän Walter Burghagen et appartient à la 12.U-Boot-Flottille de Bordeaux. Il rejoindra Djakarta en août 1945. Le U-437, du type VIIC, est commandé par le Kapitänleutnant Hermann Lamby et appartient à la 6.U-Boot-Flottille de Saint-Nazaire. Ce dernier rejoindra Bergen le 21 septembre 1944.

Le Z24 escorté par les U-Boote atteint enfin la rade du Verdon dans la soirée du 23, mais il ne tient plus sur son ancre et doit laisser tourner ses machines pour compenser le flot, car il ne faut pas se faire surprendre par une éventuelle attaque aérienne. De son côté le T24, qui peut enfin prendre la mer dans l’après-midi du 24 août, le rejoint sur rade et se poste à 400 mètres du Z24, alors que les U-Boote reposent en plongée peu profonde à proximité. Vers 19h, le branle bas de combat est ordonné car des Beaufighter du Wing de Davidstow Moor arrivent par l’Est. Ces chasseurs bombardiers, appartenant au Coastal Command, sont spécialisés dans l’attaque des unités de surface. En fait deux escadrilles conduites par le Squadron Leader E.W Tacon vont engager les deux navires de surface, avec dix appareils du N°236 Squadron et huit appareils du N°404 Squadron. Les Beaufighter plongent alors sur les deux bâtiments. Le T24 est le premier à faire face à l’assaut. Au même moment où la Flak des navires se déchaîne, les assaillants déversent une pluie de roquettes de 25 livres et des obus de 20 mm. En quelques minutes le Z24 et le T24 sont encadrés par une nuée de mitraille venue des airs.

Le T24 est alors sévèrement touché et le Z24, quoique moins atteint, reçoit des coups au but suffisants pour lui porter des dommages mortels.

De son côté la Flak des navires, ayant essayé de s’opposer à l’attaque, n’a pu ajuster son tir sous la pression des dix huit Beaufighter. Peu après, le T24 brûle et commence à couler suite aux brèches pratiquées sous sa ligne de flottaison par les roquettes de 25 livres.

Les bateaux de la Hafenschûtzflottille Gironde, ancrés au port bloc sous la direction du Kapitänleutnant Otto Wild, sont alors rapidement dépêchés sur place et recueillent l’équipage du T24, dont le Kapitänleutnant Wilhelm Meentzen. Le T24 ne déplorera que dix huit morts ou disparus.

De son côté, le Korvettenkapitàn Heinz Birnbacher juge les avaries subies par son bâtiment, qui est lui aussi sévèrement touché. Deux possibilités s’offrent alors à lui, soit le navire s’échoue sur un banc de sable, soit il rejoint le môle d’escale proche. C’est cette dernière solution qui sera adoptée. Le Z24 vient alors s’affaler le long du môle et l’équipage évacue le bord avec ses trente blessés. Les grues, installées le long du quai, se mettent à l’ouvrage, le matériel indispensable et les pièces de Flak de 2 cm et de 3,7 cm sont débarquées dans l’urgence, car le Z24 se couche lentement mais dangereusement sur tribord, étrave vers le large. Vers minuit, une partie de l’équipage étant encore occupé à bord, de nouvelles explosions provenant de la salle des machines retentissent. Le Z24 chavire en rompant ses amarres le reliant au môle. Alors qu’il se redresse lentement, les marins restés sur place grimpent dans les superstructures mais la place se rétrécit. Les hommes sautent alors dans la Gironde. Une nouvelle fois les navires de la Hafenschûtzflottille Gironde sont mis à contribution pour repêcher le personnel. Des ceintures de sauvetage et des bouées sont alors lancées, mais bon nombre de matelots sont emportés par le courant qui est très fort à cet endroit et il est impossible de nager contre lui. Beaucoup de marins sont malheureusement empêtrés dans les filets anti-torpilles avant d’avoir pu être repêchés. A une heure du matin le 25 août, le Z24 est englouti par les flots et deux marins, qui n’ont pu quitter le bord, sombrent avec lui.

Pendant toute la nuit, les deux équipages mis à terre sont regroupés dans le hall de la gare maritime avant d’être hébergés chez l’habitant. Le lendemain, une partie des cadres techniques (officiers et sous-officiers mécaniciens) doit être envoyée à Blaye afin de rejoindre les unités terrestres retraitant vers le Nord depuis la région bordelaise. Mais la liaison s’avérant irréalisable, ils resteront sur place.

Le 27 août, sur ordre du Kapitän zur See Hans Michahelles (Seekommandant Gascogne), est formé au Verdon le See-Bataillon-Narvik avec les membres d’équipage des ex Z24 et T24, ainsi qu’une partie de l’état-major de la 8.Zerstörerflottille, afin d’étoffer les forces allemandes de la pointe de Grave, manquant jusqu’à maintenant cruellement de combattants.

Le Fregattenkapitän Ritter un Edler Herr George von Berger prend le poste de chef d’état-major de la forteresse. De son côté le Korvettekapitän Karl Heinz Birnbacher prend en mains la destinée du Marine-Battaillon-Narvik en compagnie du Kapitänleutnant Wilhelm Meenzen et du Kapitänleutnant Brehnke. Cette unité, forte de deux compagnies d’infanterie, est affectée dans les points d’appuis légers de la ligne des avants postes et se battra avec l’énergie du désespoir contre les forces françaises de la Brigade Médoc.

Pour terminer…

La traduction du récit de l’attaque telle que décrite dans ce livre.

book cover

CHAPITRE NEUF

Tombeau d’un marin
Auf einem Seemannsgrab da bliihen keine Rosen. (Sur la tombe d’un marin, aucune rose ne fleurit.) Partie du refrain d’une chanson chantée par la Kriegsmarine en Allemagne en temps de guerre.

Extrait

Le travail des Strke Wings en France était maintenant presque terminé. Leurs attaques, combinées à celles du Bomber Command et de la Marine, avaient presque anéanti les restes du Marinegruppekommando West. Les U-boot survivants étaient partis pour la Norvège. Dans leur situation désespérée, les Allemands sabordaient plusieurs de leurs navires de surface endommagés, après avoir retiré leurs canons. Seuls deux navires de guerre importants étaient encore à flot. Il s’agit du destroyer Z24 et du torpilleur T24, les deux navires qui avaient survécu lorsque le Kriegsmarine avait tenté si courageusement d’attaquer le flanc ouest des forces d’invasion alliées. Ces deux navires de guerre, toujours bien servis et mortels, étaient censés se trouver dans le port du Verdon, à la pointe sud de l’embouchure de l’estuaire de la Gironde. Un autre escadron naval allié, appelé Force 27 et composé du croiseur Mauritius et de deux destroyers, avait endommagé le T24 le 15 août lors d’un engagement près de La Pallice, mais maintenant les navires de guerre allemands étaient à l’abri des batteries côtières. Les navires de guerre alliés se positionnent à dix milles de l’embouchure de la Gironde et attendent une attaque aérienne.

Il s’agissait du dernier effort majeur requis du Strike Wing de Davidstow Moor. Tacon a été briefé pour diriger dix Beaufighter du 236 et dix du 404. Tous armés de canons et de roquettes de 25 lb. Le décollage a eu lieu tard dans la journée, à 16 h 15. L’escadre devait attaquer près de la limite de son rayon d’action, et peut-être revenir dans l’obscurité. Le navigateur de Tacon, le lieutenant d’aviation W. Brian Wardle, a donné à son pilote un cap pour une position à quelques milles au nord du golfe d’Arachon. En route, deux Beaufighter du 404e Escadron font demi-tour avec des problèmes mécaniques. Les dix-huit avions restants ont touché terre et se sont dirigés vers le nord jusqu’à l’estuaire de la Gironde. Tacon pouvait voir les deux navires de guerre dans le port du Verdon.

« Volez bas tout le monde », a-t-il crié. Nous nous dirigerons d’abord vers l’estuaire et nous l’emprunterons pour notre ascension. Puis, tout de suite après l’attaque, en mer. Tacon espérait prendre l’ennemi par surprise, mais les deux vaisseaux avaient atteint leur vitesse de croisière au moment où les Beaufighter plongeaient. Les tirs d’artillerie ont probablement été les plus intenses que les équipages n’aient jamais connus, en provenance des navires de guerre et des défenses portuaires. Néanmoins, chaque Beaufighter a suivi le leadership de Tacon dans l’une des attaques les plus dangereuses et les plus déterminées d’un Strike Wing. Les traces des résultats de l’attaque provenant de sources allemandes sont, à juste titre, fragmentaires. On sait que plusieurs ogives de 25 lb ont frappé le T24 sous la ligne de flottaison. Ces  coups ont dû provoquer une ruée incontrôlable d’eau de mer dans la coque, car il a coulé presque immédiatement. Il n’y a aucune trace des pertes parmi ses 198 hommes ni du sort de son capitaine, le capitaine Kapitanleutnant Meentzen ; beaucoup ont dû être tués ou blessés.
Le Z24 a duré un peu plus longtemps. Il a reçu de nombreux coups au-dessus et au-dessous de la ligne de flottaison. Son moteur tribord a été mis hors service, mais il est resté à flot. Il a eu le temps de se faire remorquer sur une courte distance jusqu’à un quai du Verdon, où il a été amarré le long de la gare ferroviaire du port. Les efforts frénétiques pour colmater les trous ont été vains, car à 23 h 55, la même nuit, il a chaviré et coulé. Il n’existe aucune trace des victimes ni du sort de son capitaine, Korvettenkapitan Birnbacher, mais il semble probable qu’elles aient été moins graves que le T24. On sait que l’officier supérieur de la 8ème flottille Zerstorer a survécu, mais l’attaque a marqué la fin du commandement de Kapitan zur See von Bechtelsheim qui était maintenant entièrement anéanti. Les survivants des deux navires ont prétendu avoir abattu des Beaufighter, mais, encore une fois, ces affirmations étaient inexactes.
Bien qu’aucun des Beaufighters n’ait été abattu, quinze ont été endommagés. Ils étaient loin de chez eux, l’obscurité les attendait.

 

Les souvenirs de guerre d’un marin allemand – Chapitre trois

Le lance caporal mécanicien Wilhelm Küllertz
Les étapes de la vie ou le destin ne peut être planifié

Créé par Willi Küllertz en novembre 2018

Chapitre trois

Wilhelm Küllertz

Wilhelm Küllertz

Mon père ne m’a jamais parlé de l’attaque du 29 avril 1944, lorsque le NCSM Athabaskan a été coulé par une torpille lancée par le T-24.

Willi T-35

Torpilleur de type 39
Photo du T-35 similaire au T-24

Ce que je sais, c’est que mon père Wilhelm Küllertz était dans la salle des machines du T-24.

Je suis donc allé sur Internet afin de chercher plus d’informations. C’est alors que j’ai trouvé le blog Lest We Forget. Pierre y racontait l’histoire de l’oncle de son épouse. Son oncle avait raconté lors d’une réunion de famille en 2009 qu’il était à bord du NCSM Athabaskan et qu’il était dans la salle des machines au moment de l’attaque. La dernière chose dont il se souvienait, c’est qu’il écrivait une lettre à ses parents, puis qu’il avait été secouru par le NCSM Haida, le navire jumeau de l’Athabaskan.

On peut trouver beaucoup d’information sur le NCSM Athabaskan G07 sur Internet, mais il y a très peu d’information sur l’attaque du côté allemand. Voici un lien vers un site Internet en langue anglaise qui rend hommage aux marins du NCSM Athabaskan.

http://www.forposterityssake.ca/Navy/HMCS_ATHABASKAN_G07.htm

Pierre m’a dit que c’est le meilleur site qu’il n’ait jamais trouvé sur la Marine royale du Canada.

Le livre Unlucky Lady écrit en 1986 par Len Burrow et Émile Beaudoin contient également beaucoup d’informations sur cette attaque.

Pierre utilisera des extraits du livre pour raconter à mes lecteurs ce qui s’est passé le 29 avril 1944, il y a presque 75 ans, car je ne sais rien du naufrage du NCSM Athabaskan.


Chapitre trois

L’effort de sauvetage du NCSM Haida est bien documenté dans le livre Unlucky Lady. Les marins du T-24 secoururent également des marins de l’Athabaskan après que le NCSM Haida dut quitter les eaux dangereuses près des côtes françaises….

Extrait 1

Alors que le Haida approchait de la zone fatidique, le commandant De Wolf s’inquiéta du naufrage de l’Athabaskan.

Tiré du livre Unlucky Lady

Était-il toujours à flot, et si oui, dans quel état ? Pouvait-il se trouver juste sous la surface et mettre en danger pour son navire jumeau ? Quelqu’un avait-il survécu à cette terrible explosion ?

Ces questions et d’autres traversèrent l’esprit du capitaine inquiet alors qu’il avançait prudemment son destroyer sur les lieux.

Le Haida entreprit ses recherches et un flot rapide d’ordres s’en suivit :  » Dirigez-vous vers le centre du plus grand groupe – Descendez les filets – Larguez les Carley floats- Descendez le baleinier – Descendez le cutter – Tous les hommes disponibles sur le pont pour les sauver – Infirmerie préparez-vous à recevoir les survivants. – On va s’arrêter un quart d’heure.

Comme une mère poule qui recueille sa couvée, le Haida s’enfonça lentement et doucement dans la masse des marins en difficulté et s’arrêta. Pour ceux qui se trouvaient du côté sous le vent, il fut relativement facile de monter à bord, mais pour ceux de l’autre côté, ce fut une autre histoire. Un léger vent faisait dériver le Haida plus vite que les hommes qui ne pouvaient nager vers lui. Leur sauvetage sembla hors de leur portée. Les hélices du navire ami furent mises en mouvement pour manœuvrer plus près, mais les cris venant de l’arrière de stopper les machines avertirent la passerelle que des hommes étaient entraînés dans les griffes mortelles des hélices.

Note

À l’aube, le NCSM Haida dut quitter les lieux. Des navires allemands apparurent.

Extrait 2

À mesure que les navires se rapprochaient des marins de l’Athabaskan, il devint évident qu’il s’agissait de navires ennemis venant à la rescousse. Les drapeaux allemands étaient clairement visibles dans la brise et les ordres allemands étaient clairement entendus, ne laissant aucun doute dans l’esprit des survivants quant à l’origine de leurs sauveteurs. Le plus petit navire ressemblait à un dragueur de mines, et le plus gros était identifé comme un destroyer de la classe Elbing. Il s’agissait de T-24 qui, quelques heures auparavant, avait affronté le Haida et l’Athabaskan. Le T-24 était maintenant en mission de sauvetage.

Note

Wilhelm Küllertz n’a jamais dit à ses fils ce qui s’était passé. Il était probablement dans la salle des machines et n’avait aucun souvenir.

Extrait 3

L’ancien adversaire de l’Athabaskan transportait un plus petit navire qui ressemblait à une vedette de sauvetage air-mer . Alors que les navires ralentissaient près du plus grand groupe de marins de l’Athabaskan, un officier du T-24 cria en anglais au moyen d’un mégaphone :  » Approchez, nous vous emmenons à bord ! Puis le travail de sauvetage commença. Le plus petit navire disposait d’un système rapide et efficace pour récupérer les survivants. Un canot pneumatique avec une ligne attachée fut descendu à la surface. Il se dirigeait vers un survivant et l’emmenait rapidement à bord, puis le canot pneumatique était ramené à la rampe de mise à l’eau de la vedette de sauvetage. Lorsque la vedette avait une bonne charge de passagers, ces derniers étaient emmenés au T-24. Les marins allemands avaient aussi des filets à long manche avec lesquels ils pêchaient tous les morceaux de papier qu’ils voyaient sur l’eau.

Pendant ce temps, le dragueur de mines se déplaça lentement dans l’eau, s’arrêtant de temps en temps pour faire monter à bord un marin grelottant de l’Athabaskan. L’autre dragueur de mines, qui s’était dirigé vers le nord, ramassa sept autres marins. Le dragueur de mines commença alors se mit à la poursuite du canot du Haida, mais il abandonna lorsque le dragueur entra dans un champ de mines. Lorsque le dragueur de mines rejoignit les deux autres navires allemands, tous les survivants avaient été repêchés, de sorte que la petite flottille partit à toute allure. Le T-24 et les dragueurs de mines mirent le cap sur Brest tandis que la vedette de sauvetage air-mer se précipita vers le petit village de pêcheurs de L’Aber-Wrac’h.

Dès que les marins tremblants de froid de l’Athabaskan  furent transportés à bord des navires de sauvetage allemands, on leur ordonna d’enlever leurs gilets de sauvetage et leurs uniformes trempés d’huile. Les gilets furent enlevés et jetées ignominieusement dans la mer, pour disparaître rapidement de la vue.

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La perte des gilets de sauvetage était presque vue pour les hommes comme affront personnel, car ils avaient soutenu les marins fatigués pendant les longues heures de la nuit et avaient fait leurs preuves à maintes reprises. Tous les marins de l’Athabaskan qui avaient survécu à cette nuit périlleuse estimaient unanimement qu’ils devaient leur vie à ces gilets de sauvetage remis tout juste avant de quitter Plymouth.

Les survivants ramassés par les deux dragueurs de mines furent emmenés sous les ponts et reçurent des douches chaudes pour retirer l’huile de leur corps. La plupart d’entre eux étaient trop faibles pour se tenir debout, et se blottissaient sous le jet réconfortant de l’eau. Certains des marins allemands, comprenant leurs difficultés, entrèrent sous les douches et nettoyèrent les pauvres marins. Ils reçurent ensuite des couvertures, puis des macaronis avec des pruneaux, du pain sec, de la confiture et du café ersatz. Par la suite, de précieuses cigarettes furent distribuées aux marins chanceux, qui ont appris que la ration allemande était de quatre par jour !

Extrait 4

Les conditions à bord du T-24 sont mieux décrites par le capitaine de corvette Dunn Lantier dans son journal de bord écrit dans un camp de prisonniers :

On m’a ramassé vers 7 h 15 et on m’a dit en termes clairs d’enlever mes vêtements trempés d’huile, y compris mon gilet de sauvetage, qui ont ensuite été jetés à l’eau. Ce n’était pas une bonne idée, mais j’ai réussi à sauver ma veste, qui, bien qu’humide, ne contenait pas beaucoup d’huile. Nous avons ensuite été regroupés à l’arrière et emmenés en contrebas. Là, j’étais content de voir Nobby et Steve* qui avaient l’air un peu plus mal en point, mais qui étaient bien vivants. Notre groupe se composait d’environ quarante-cinq hommes et après une douche chaude sans savon, une cigarette et une boisson chaude, tous se sentaient un peu mieux. J’ai réussi à obtenir quelques couvertures des gardes pour ceux qui étaient en mauvais état et j’ai demandé un médecin ou un infirmier. Un infirmier est venu plus tard, mais il me semblait qu’il ne savait pas grand-chose ou qu’il n’était pas intéressé, parce qu’il en faisait très peu pour les malades et les blessés. J’ai essayé de demander des vêtements ou d’autres couvertures, mais je n’ai eu aucun succès et j’ai donc dû rester pratiquement nu. Pas une sensation très réconfortante après quelques heures dans l’eau froide. À ce moment-là, j’ai pu me déplacer pour voir tout le monde et je les ai avertis de ne pas donner d’autres renseignements que le nom, le grade et le numéro.

Plus tard, deux officiers, qui portaient tous les deux une casquette blanche, sont descendus nous voir. Ma première réaction a été : que faisaient deux capitaines à bord d’un navire ? L’un a quitté et l’autre, qui avait une main blessée, est resté derrière et m’a demandé si nous avions été coulés par des coups de feu ou des torpilles. Je lui ai dit que je ne savais pas et cette réponse a apparemment mis fin à la conversation. Un des gardes, un officier subalterne, parlait anglais et je lui ai demandé pourquoi le navire avait deux capitaines ; réalisant bien sûr que seuls les commandants portaient des casquettes blanches. Il répondit que le blessé était le capitaine d’un autre torpilleur. Quelle joie de savoir que nous avions frappé les navires ennemis et que peut-être les marins du Haida  avaient coulé l’un d’eux. Cette spéculation a beaucoup contribué à renforcer notre déprime. Après le départ de l’officier, j’ai réfléchi un peu et j’ai réalisé qu’ils se trouvaient dans un dilemme encore plus grand quant à savoir qui nous avait coulé. Ce capitaine semblait souhaiter que nous ayons été coulés par des coups de feu…… Peu de temps après, un garde nous a apporté une bouteille d’eau-de-vie pour les blessés avec les compliments du capitaine.

Tout à coup, il y a eu une forte explosion au large de notre quartier portuaire et on m’a dit que ce n’était qu’une mine qui avait explosé avec leur équipement de dragage de mines.

Peu de temps après, l’alarme s’est déclenchée et on nous a assurés qu’il ne s’agissait que de Spitfire et qu’il n’y avait rien à craindre. Cependant, les Allemands ont fait gonfler leurs ceintures de sécurité, ce qui nous a même fait sentir encore plus nus. Bientôt, il y eut beaucoup de tirs depuis le pont supérieur et cela ressemblait à des canons de 3 pouces et de 20 mm (j’ai remarqué plus tard que ce navire transportait trois montures de quadruple 20 mm).

Cependant, nous n’avons pas semblé être attaqués et cette rafale s’est dissipée avec peu d’excitation.

Vers midi, ils nous ont apporté une sorte de soupe de poireaux, plus ou moins chaude, avec du pain grisâtre. Il devait être environ trois heures quand ils ont ouvert les écoutilles et nous avons vu que le navire entrait au port. Les gardes n’avaient aucune objection à ce que nous faisions, mais je dois admettre qu’il y avait très peu à voir. J’ai remarqué qu’il y avait une estacade et que nous avions été remorqué par un remorqueur. Il s’est avéré que c’était Brest.

*Lieutenants William Clark et Richard H. Stevenson.

Le Matelot de 1re classe Stanley Dick était l’un des marins qui avaient été secourus par le T-24. Il se retrouva maintenant blotti avec plusieurs compagnons sur le pont plat du timon, la plupart nus, et essayant en vain de se tenir au chaud. Un jeune marin était à côté de lui, tremblant de frissons et en état de choc apparent. Personne ne semblait se soucier du jeune homme, sauf Dick, qui essayait de le réconforter. Au cours du voyage vers Brest, son compagnon mourut, et le corps fut glissé tranquillement sur le côté au son d’une prière d’un maître d’équipage. C’était la guerre, l’ennemi était sous le feu des tirs et il n’y avait pas le temps pour une cérémonie officielle.

Les premiers marins secourus de l’Athabaskan à débarquer sur le sol français furent ceux embarqués à bord de la vedette de sauvetage air-mer. Ils étaient vingt-huit dans le groupe, tous à différents stades de détresse physique et mentale. La vedette à moteur s’était empressée de se rendre au tranquille port de pêche breton de L’Aber-Wrac’h, traversant la baie des Anges pour accoster à la jetée locale vers 9 heures. Les Canadiens furent ramenés à terre et laissés sous bonne garde sur le quai, en attendant d’autres développements. Certains pêcheurs français, qui étaient au courant de l’action de la nuit, se levèrent pour exprimer leur sympathie au moment où les Canadiens débarquaient. Le chauffeur John J. McNeil, qui avait été grièvement brûlé et qui s’est battu vaillamment pour rester en vie, succomba sur le quai à côté de ses compagnons de bord. Son corps gisa un certain temps sous une couverture et fut ensuite emmené au village pour qu’on le prépare pour l’enterrement. Les autres marins de l’Athabaskan furent escortés à l’un des hôtels du village et reçurent l’ordre de rester dans la cour.

Sous les yeux vigilants des gardes armés, les prisonniers attendaient dans ce petit enclos, cachés des habitants de la ville et s’interrogeant sur leur sort éventuel. Les rayons pénétrants du soleil commencèrent à brûler les hommes couverts d’huile, mais lorsqu’ils se réfugièrent à l’ombre, ils tremblèrent de froid.

Un jeune pêcheur français enthousiaste avait le droit d’apporter de l’eau fraîche et des cigarettes aux hommes, et aussi de les aider à changer leurs vêtements. Deux jeunes mademoiselles arrivèrent plus tard pour s’occuper des prisonniers. À un moment de leur mission miséricordieuse, ils ont manqué de serviettes, mais ils ont continué à essuyer les visages couverts d’huile avec leurs jupons blancs.

….

Lorsque le groupe principal d’Athabaskans débarqua à Brest, ils reçurent l’ordre de livrer le blansoft des navires au quai. Le capitaine Wilhelm Meentzen a salué les survivants alors qu’ils quittaient le navire. Dans un bref discours, il a dit que c’était un temps de guerre et qu’il espérait qu’il n’y aurait pas de ressentiment entre eux.

 

Les souvenirs de guerre d’un marin allemand – Chapitre deux

Mise à jour 28 septembre 2020

L’histoire de deux marins allemands du T24 se poursuit sur le blogue crée pour laisser la parole aux enfants de ces marins: Willi Küllertz et Manfred Kühn.

Voici la table des matières.

Table des matières/Table of Contents/Inhaltsverzeichnis


Le lance caporal mécanicien Wilhelm Küllertz
Les étapes de la vie ou le destin ne peut être planifié

Créé par Willi Küllertz en novembre 2018

Chapitre deux

Wilhelm Küllertz

Wilhelm Küllertz

Mon père ne m’a jamais parlé de l’attaque du 29 avril 1944, lorsque le NCSM Athabaskan a été coulé par une torpille lancée par le T-24.

Willi T-35

Torpilleur de type 39
Photo du T-35 similaire au T-24

Ce que je sais, c’est que mon père Wilhelm Küllertz était dans la salle des machines du T-24.

Je suis donc allé sur Internet pour chercher plus d’informations, et c’est ainsi que j’ai trouvé le blog Lest We Forget où Pierre racontait l’histoire de l’oncle de son épouse. Son oncle avait raconté lors d’une réunion de famille en 2009 qu’il était à bord du NCSM Athabaskan et qu’il était dans la salle des machines au moment de l’attaque. La dernière chose dont il se souvienait, c’est qu’il écrivait une lettre à ses parents, puis qu’il avait été secouru par le NCSM Haida, le navire jumeau de l’Athabaskan.

On peut trouver beaucoup d’information sur le NCSM Athabaskan G07 sur Internet, mais il y a très peu d’information sur l’attaque du côté allemand.

Voici un lien vers un site Web en langue anglaise qui rend hommage aux marins du NCSM Athabaskan.

http://www.forposterityssake.ca/Navy/HMCS_ATHABASKAN_G07.htm

Pierre m’a dit que c’est le meilleur site qu’il ait jamais trouvé sur la Marine royale du Canada.

Le livre Unlucky Lady écrit en 1986 par Len Burrow et Emile Beaudoin contient également beaucoup d’informations sur cette attaque.

Pierre utilisera des extraits du livre pour raconter à mes lecteurs ce qui s’est passé le 29 avril 1944, il y a presque 75 ans, car je ne sais rien du naufrage du NCSM Athabaskan.

Extrait

RAPPORT DE LA 10e FLOTILLE DE DESTROYER 12h00

Le vendredi 28 avril fut loin d’être satisfaisant. L’affrontement entre la Force 26 et l’ennemi trois nuits auparavant, bien que très réussi, avait causé quelques problèmes temporaires. Les destroyers Ashanty et Huron avaient été endommagés au cours de la bataille et furent retirés des opérations par la suite pendant plusieurs jours pour des réparations importantes. Le Tartar qui recevait une mise à niveau mineure n’était toujours pas disponible. L’absence de ces navires laissait ainsi la 10e Flotille de destroyers avec moins de la moitié de sa puissance offensive ; le gros de la responsabilité incomba alors au Haida et à l’Athabaskan.

À 15 h, les deux destroyers de la classe Tribal reçurent l’ordre d’être prêt à partir à deux heures d’avis, ce qui provoqua une forte réaction de la part de l’équipage qui s’attendait à un certain répit bien justifié suite à ces dernières semaines de pression constante, de manque de sommeil et de peu de loisirs.

Quand l’Athabaskan et l’Haida prirent le large cette nuit-là, ils partirent comme deux soeurs animées d’un esprit de corps que deux navires de guerre avaient rarement connu auparavant.

Alors qu’ils se séparaient lentement, le chat de compagnie de l’Athabaskan fit en vain un dernier effort pour sauter à bord de le Haida. Pour une raison étrange, dit le quartier-maître de l’Haida, le cuistot George H. Goodwill, il voulait venir sur notre navire, et chaque fois, nous l’avions doucement repoussé. Comme la distance entre nos vaisseaux augmentait, le chat s’apprêtait à réessayer, mais il hésita. Alors que je saluais MacAvoy et Manson sur l’Athabaskan, ils attrapèrent le chat pour l’empêcher de tomber à l’eau. Quelqu’un derrière moi me dit : « Ce n’est pas bon signe. »

Les deux destroyers quittèrent leur poste d’amarrage et se mirent en file indienne avec le Haida en tête. Au-dessus de leur tête, les équipages surveillaient constamment les ballons de barrage retenus par des câbles. En quelques minutes, les deux destroyers avaient franchi l’entrée du port et se dirigeaient vers la Manche. C’était leur champ de bataille, et c’est là qu’ils allaient chasser les destroyers ennemis, les poursuivre, engager le combat et finalement les détruire dans un effort audacieux pour nettoyer les eaux dangereuses avant le Jour J.

Cette fois encore, l’engagement de ce soir était une autre opération Hostile qui devait être menée par la 10e flottille de bateaux poseurs de mines avec l’appui des deux Tribal canadiens. Un champ de mines devait être disséminé à une dizaine de milles au nord-est de l’île de Batz, et les Tribal devaient effectuer une patrouille est-ouest à environ vingt-trois milles au nord-est de l’île de Batz, afin d’empêcher toute intervention de l’ennemi pendant le déroulement de l’opération.

À 2 h le 29, les deux Tribal canadiens avaient atteint la position qui leur avait été attribuée et avaient commencé à patrouiller à 16 nœuds sur un cap moyen de 260°. Les conditions de repérage radar étaient instables, malgré le temps excellent. Toutes les équipes de veille étaient à l’affût de tout signe visuel ou de tout bruit de l’ennemi. Un signal du QG de Plymouth indiqua que deux navires ennemis avaient été détectés. Ils se dirigeaient vers l’ouest à vingt noeuds, entre Saint-Malo et Roche Douvres. Cette information venait de l’amiral René Georgelin et de ses hommes du Maquis. Ils gardaient les T-24 et T-27, les navires survivants de la 4e flottille allemande de torpilleurs, sous étroite surveillance à Saint-Malo, et avaient informé Londres du départ des navires.

À 2 h 58, ces navires furent repérés par radar, maintenant au nord-est de Morlaix et le soleil se déplaçait vers l’ouest. Tandis qu’ils poursuivaient leur route vers l’Athabaskan et le Haida, les deux capitaines canadiens planifièrent leur stratégie de combat. Un deuxième signal du QG Plymouth à 3 h 7 ordonna aux deux destroyers de se diriger vers le sud-ouest à pleine vitesse. Sans autre indication, ils changèrent de cap au 225°, naviguant à la vitesse maximale pour intercepter l’ennemi. À ce moment-là, il n’y avait aucun doute dans l’esprit de tous que les deux Tribal allaient avoir l’occasion de rejouer la bataille qui s’était déroulée dans la nuit du 25 au 26 avril. Tous les hommes étaient maintenant aux postes de combat et prêts pour l’affrontement avec l’ennemi.

***

À 3 h 32, la route des Tribals fut changée à 20 50 et ajustée à 0343 à 180°.

Les deux forces opposées étaient maintenant sur des routes convergentes et le contact semblait imminent. Le radar d’Athabaskan détecta un écho à 1330 à quatorze milles, ce qui fut confirmé par le Haida à 4 h. La route fut ajustée pour maintenir les navires ennemis à 45° sur l’étrave bâbord et, à 4 h 12, Haida ouvrit le feu avec un obus étoilé à une distance de 7 300 verges. Deux minutes plus tard, T-24 et T-27 furent aperçus se déplaçant vers l’ouest à 115°.

… En quelques secondes, tout le ciel fut illuminé comme en plein jour.

Les deux destroyers allemands furent ainsi brillamment éclairés. La portée était de 7000 mètres. L’Athabaskan et le Haida ouvrirent le feu avec tous leurs canons alors que l’ennemi s’éloignait désespérément vers l’est. Les torpilleurs allemads tirèrent avec leur armement principal et lançèrent des torpilles, tout en cherchant à se mettre à l’abri en posant un écran de fumée. Six torpilles furent lancées par le T-27, mais elles se dirigèrent toutes dans la mauvaise direction, mettant en grand danger son navire-jumeau. Le T-24 réussit aussi à lancer ses torpilles, mais trois d’entre elles se dirigèrent dans la mauvaise direction !

À 4 h 17, les Tribals canadiens, se dirigeant vers l’avant à environ quatre encablures l’un de l’autre, changèrent de cap à 300 sur bâbord pour éviter les torpilles et maintinrent leur volume de feu tout en se dirigeant vers leur nouvelle position. L’Athabaskan semblait être la cible du feu de l’ennemi ; des obus étoilés éclataient au-dessus du destroyer et des salves d’obus traversaient son gréement, l’éclaboussant. Le capitaine de corvette Dunn Lantier, à titre d’officier radar, fut informé par son opérateur radar que deux objets se déplaçaient à grande vitesse sur tribord. Les blips du radar indiquaient la présence de E-boats. (T-24 et T-27 prenaient des mesures d’évitement du côté bâbord.) Trente secondes plus tard, alors que l’Athabaskan avait presque terminé son virage vers la nouvelle route, le destroyer fut touché vers l’arrière du côté tribord.

L’explosion fut très probablement causée par une torpille tirée par l’un des E-boats du côté tribord de l’Athabaskan. La puissante explosion détruisit les canons « X » et « Y », décima leurs équipages et déclencha un violent incendie. L’équipement de propulsion de l’Athabaskan fut également endommagé, de sorte qu’il perdit de la vitesse alors qu’il se dirigeait vers bâbord, puis finit par s’arrêter.

Pendant ce temps, le Haida poursuivait l’ennemi tout en déversant des tirs rapides sur les fuyards. De son pont, le commandant De Wolf suivait la scène et la situation changeait rapidement. Le premier mot qu’il reçut du capitaine de corvette Stubbs après que l’Athabaskan eut été touché se lisait comme suit :  » Nous semblons être gravement endommagés à l’arrière « . Les navires ennemis tirèrent des coups de feu alors qu’ils apercevaient l’Athabaskan en flammes et tentaient de l’achever.

Bientôt, le Haida projeta des nuages blancs de fumée chimique, fournissant ainsi un écran temporaire à l’Athabaskan contre le feu concentré de l’ennemi. Le Haida se dirigea entre le navire sinistré pour déposer sa couverture de protection, tout en continuant vigoureusement son attaque sur les navires ennemis. Le Haida commença son premier tir à 4 h 18 et, à 4 h 22, les deux navires ennemis se séparèrent ; le T-24, gravement touché, se dirigea alors vers l’est, tandis que le T-27 fila vers le sud avec le Haida à sa poursuite.

Pendant que l’Athabaskan dérivait impuissant sur la houle de la Manche, ses hommes luttèrent vaillamment pour sauver le destroyer. Le feu faisait rage à l’arrière, alimenté par l’explosion des munitions et commença à se propager. La fumée et les flammes s’élevèrent haut dans le ciel, révélant ainsi sa position à l’ennemi. L’écran de fumée du Haida cachait partiellement le destroyer, mais pas complètement. L’Athabaskan devenait donc une cible pour les batteries côtières et les T-24 et T-27 qui étaient alors en fuite.

 

Les souvenirs de guerre d’un marin allemand – Chapitre un

Mise à jour 28 septembre 2020

L’histoire de deux marins allemands du T24 se poursuit sur le blogue crée pour laisser la parole aux enfants de ces marins: Willi Küllertz et Manfred Kühn.

Voici la table des matières.

Table des matières/Table of Contents/Inhaltsverzeichnis


Lance Caporal mécanicien Wilhelm Küllertz
Les étapes de la vie ou le destin ne peut être planifié

Créé par Willi Küllertz en novembre 2018

Chapitre premier

Wilhelm Küllertz est né le 6 juin 1925. Il était le deuxième enfant de Johann Küllertz et Bernhardine Küllertz née Nieländer. Sa famille vivait à Katscher, dans le district de Leobschütz, dans ce qui était alors la province impériale de la Haute Silésie.

Son père Johann Küllertz avait été employé comme directeur jusqu’à sa retraite par la firme Davistan Krimmer-, Plüsch- und Teppichfabriken AG à Katscher. Au cours de l’aryanisation, Davistan (ayant un propriétaire juif) a été repris par Scheffler. L’entreprise fabriquait désormais des vêtements pour la Wehrmacht au lieu de tapis ou de produits de tissage similaires.

En 1935, Johann Küllertz et son épouse Bernhardine emménagent dans leur nouvelle maison à Wiedenbrück, en Westphalie. Après son école primaire, Wilhelm Küllertz travaille comme apprenti mécanicien de précision pour C. Ottens, une entreprise de fabrication de bicyclettes et de machines à coudre à Wiedenbrück.

Après avoir reçu son certificat de compagnon, il s’enrôle dans la marine. Son objectif était de s’engager pour un an afin de compléter ses études techniques pendant son service dans la marine allemande. Il commence son service militaire le 10 septembre 1942.

Wilhelm Küllertz

Le fier marin Wilhelm Küllertz
au début de son service militaire (Source : Famille Fauré-Roux).

Jusqu’au 11 décembre 1942, il suit son entraînement militaire de base à Stralsund. Du 12 décembre 1942 au 12 mai 1943, il complète sa formation militaire par un cours donné l’intention du personnel technique sur le fonctionnement des moteurs au 1er Service de formation sur les moteurs de navires. A partir du 13 mai 1943, il passe au 3e Service d’entraînement pour le nouveau torpilleur Type 39.

Willi T-35

Torpilleur du type 39

Photo du T35 similaire au T24

Initialement commandé comme torpilleur de type 37 le 30 mars 1939, le T24 est commandé de nouveau à Schichau le 10 novembre 1939. La construction du bateau commence le 21 septembre 1940 au chantier naval d’Elbing, en Prusse orientale, numéro de chantier 1483, puis le T24 est lancé le 13 septembre 1941 et mis en service le 17 octobre 1942 sous le commandement du capitaine lieutenant Heinrich Hoffmann.

Mon père a appris la connaissance de ce type de navire à Elbing en participant à la construction de l’un des nouveaux bateaux, toujours à Schichau Werft. Après sa formation pour ce type de navire, il est affecté directement à bord du torpilleur T24.

Il y a deux autres choses dont je me souviens de ce que mon père m’a dit. Lorsqu’on demandait à un marin comme mon père sur quel type de navire il se trouve, la fierté était plus grande lorsque le navire était plus grand. Plus c’est grand, plus il y a de fierté. La première fois que je lui a demandé, il ne pouvait pas m’expliquer ou je n’étais pas en mesure de comprendre. Puis je lui ai demandé si c’était un dragueur de mines et il m’a répondu « Non ». Quand je lui ai demandé s’il s’agissait d’un chasseur ou d’un navire d’escorte pour protéger les convois, il m’a répondu « Non ». Puis je lui ai demandé si c’était un destroyer et il m’a répondu : « Non, il était beaucoup plus petit ! » Des années plus tard, dans une autre conversation, il me dit avec un petit clin d’œil : « On l’appelait dans la Kriegsmarine le « DESTROYER SECRET ! »

Et des années plus tard, j’ai appris que le traité de Versailles disait que l’Allemagne n’était autorisée à construire qu’un nombre limité de navires de certanes classes spécifiques. C’est pourquoi un Torpedoboot a été nommé Flottentorpedoboot, officiellement un torpilleur, mais ayant la taille d’un destroyer. Pas un gros destroyer comme un croiseur léger, mais bien un destroyer. Voilà donc la différence entre la théorie et la réalité.

Dans une seconde conversation, il expliqua à mon frère que ce navire avait deux tuyaux d’échappement. Un pour la fumée et un pour la vapeur, donc un noir et un blanc. Des années-lumière plus tard, quand j’ai vu un destroyer de la classe Elbing sur une photo dans un livre, je me suis souvenu. Et j’ai demandé à mon frère une fois de plus et j’ai su que j’avais eu finalement raison avec ce que j’avais toujours pensé.

Willi T-35.1

Photo du T35 similaire au T24

Willi Postcards 1

Cartes postales d’un fier jeune homme à sa famille,
recto et verso, estampillés à Berlin et Stralsund (collection privée).

Willi Postcards 2

La dernière carte de la formation de base

Le choix du motif vous permet à nouveau d’être enthousiasmé par la marine (collection privée).

Au cours de l’été 1944, le T24, appartenant à la 4ème flotille de torpilleurs à Brest, faisait partie de la 8ème flotille de destroyers stationnée à Bordeaux et opérant dans la zone du golfe de Gascogne. Pendant ce temps, le T24 était souvent utilisé avec le destroyer Z24. Il s’agissait des dernières grandes unités qui restaient dans la Kriegsmarine à l’Ouest.

 

Souvenirs de guerre d’un marin allemand

Mise à jour 28 septembre 2020

L’histoire de deux marins allemands du T24 se poursuit sur le blogue crée pour laisser la parole aux enfants de ces marins: Willi Küllertz et Manfred Kühn.

Voici la table des matières.

Table des matières/Table of Contents/Inhaltsverzeichnis


C’est en 2009 que je commençais à écrire sur les souvenirs de guerre d’un marin canadien. C’était l’oncle de ma femme qui nous avait raconté qu’il se trouvait à bord du destroyer Athabaskan le 29 avril 1944. 

HMCS Athabaskan 11

Il était dans la salle des machines en train d’écrire à ses parents quand son prochain souvenir fut d’être rescapé par le destroyer Haida. L’Athabaskan avait été torpillé par le Torpedo Boat allemand T-24.

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Dans la salle des machines du T-24 se trouvait un autre marin.

Wilhelm Küllertz

Wilhelm Küllertz

Son fils m’a raconté son histoire que je vais partager ici.