Voici la suite de l’histoire du naufrage de l’Athabaskan écrite il y a 12 ans.
Mac Lure a lui aussi aperçu les Allemands et il lui faut abandonner le sauvetage pour fuir vers le Nord, vers l’Angleterre qui se trouve à plus de cent milles derrière l’horizon. Un aviso les prend en chasse mais, à leur grand soulagement, il vire de bord peu après.
Quand il a reçu le message faisant état « d’hommes noirs » à la mer à l’endroit où Athabaskan a coulé, le Kapitänleutnant Wilhelm Meentzen a fait augmenter l’allure.
– Peu importe leur couleur, dit-il, ce sont des êtres humains et nous allons les sauver !
Et lorsqu’il arrive sur les lieux, il découvre bien vite que ces « hommes noirs » ne sont en fait que des hommes englués de mazout. Le prompt retour des Allemands sur la zone du torpillage va permettre de sauver nombre de naufragés qui auraient péri dans l’heure suivante. Ils vont être faits prisonniers, c’est un fait, mais ils auront tous la vie sauve.
« Wilkommen Kameraden ! »
C’est en ces termes que les Canadiens sont accueillis à bord des navires allemands. Entre marins, il existe toujours une solidarité qui se moque bien des pavillons. Et eux aussi, tout comme ceux de Haida, ils vont descendre le long des filets qui pendent à leurs coques afin d’aider les plus faibles. Pareille attitude porte un nom quand on fait la guerre ; cela s’appelle tout simplement chevalerie.
C’est ainsi qu’Émile Beaudoin se retrouve sur un aviso où il lui est donné la possibilité de prendre une douche chaude. Après la douche, ils recevront chacun une épaisse couverture ainsi qu’une paire de bottes de caoutchouc. Cette distribution faite, il leur est servi un plat de macaronis avec des pruneaux, du pain noir et de la confiture.
Pourtant, ni Beaudoin, ni ses camarades ne touchent à cette nourriture ?
N’auraient-ils pas faim ?
Mais tout à coup, un marin allemand comprend la raison de leur manque d’appétit. Alors, il prend une tartine de pain, la beurre de confiture, y ajoute un pruneau et commence aussitôt à mordre dedans à belles dents suivi quelques instants plus tard par les Canadiens dont le visage s’illumine à présent d’un large sourire.
Le retour de la flottille vers Brest sera mouvementé car elle sera attaquée par les avions du Coastal Command. Sans grand dommage d’ailleurs. Le T 24 quant à lui heurtera une mine dans le chenal du Four mais bien que sérieusement endommagé, il rejoindra sa base par ses propres moyens sans avoir perdu aucun de ses naufragés canadiens.
Dans l’après-midi, les prisonniers seront débarqués et conduits dans la salle du patronage de Kerbonne tandis que les blessés seront dirigés vers l’hôpital de Brest. Pour ces hommes commence une captivité qui va durer un an et prendra fin en Allemagne. Émile Beaudoin en profitera pour apprendre l’allemand et c’est en ami que près de trente années plus tard, il sera reçu avec beaucoup d’émotion chez les survivants du T 27.
Quant à la vedette de Haida, après bien des difficultés, elle parviendra à traverser la Manche et sera repérée en fin d’après-midi, à 25 milles dans le sud du cap Lizard. Une embarcation de sauvetage dirigée vers elle en recueillera les occupants qui seront débarqués vers minuit à Penzance.
Haida pour sa part passera les jetées de Plymouth seul en fin de matinée et à la traditionnelle question du sémaphore qui lui demandera s’il a des naufragés ou des blessés à bord, il répondra :
« Affirmatif ! J’en ai 44 ! »
La perte d’Athabaskan aura coûté la vie à 129 marins dont 59 d’entre eux, rejetés à la côte par la mer, viendront reposer en terre bretonne, dans le cimetière de Plouescat.
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