Voici la suite de l’histoire du naufrage de l’Athabaskan écrite il y a 12 ans.
« Athabaskan is hit ! »
À ce cri, tout le monde sur la passerelle de Haida s’est détourné vers l’Athabaskan. De sa poupe, s’élance dans le ciel une immense langue de feu orange qui illumine les superstructures du destroyer. Durant son changement de cap pour parer d’éventuelles torpilles, le destroyer en a pris une en plein dans les hélices et le gouvernail…
HMCS Athabaskan, 4 heures 17.
L’explosion de la torpille est si violente que tout comme dans une ruade gigantesque, l’arrière se soulève littéralement hors de l’eau tandis que partout dans le navire, hommes, matériel mobile et objets divers sont précipités au sol. Les tourelles X et Y se taisent, suivies quelques instants plus tard par les tourelles A et B. Sur le destroyer blessé, le fracas de l’explosion fait place quelques instants plus tard à un silence terrifiant qui n’est plus troublé que par les hurlements de douleur et d’angoisse des blessés. Embardant brutalement sur bâbord, Athabaskan choqué, ralentit puis s’arrête. L’eau et le feu commencent à prendre possession du navire.
Passé le premier moment de stupeur, les tourelles A et B reprennent le feu de façon sporadique et imprécise. Par Dieu, Athabaskan se battra jusqu’au bout ! Sur la passerelle, John Stubbs commotionné, se relève pour apercevoir Haida qui masque son navire derrière un écran de fumigènes.
Au moins sera-t-il ainsi à l’abri pendant quelque temps des canons allemands…
Peine perdue hélas, car voici que dans un fracas d’apocalypse, une salve d’artillerie s’abat sur la plage avant.
Du gros calibre !
Sans doute ce sont les batteries côtières dont on n’est guère distant qui viennent de placer ce coup au but. Cette fois-ci, les deux tourelles avant se taisent définitivement.
Tout ceci s’est déroulé en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire et Athabaskan qui, une minute plus tôt était encore un redoutable combattant, n’est plus maintenant qu’un blessé agonisant, ravagé par les flammes des incendies qui se sont déclarés en plusieurs endroits.
Les nouvelles qui viennent de l’arrière sont particulièrement alarmantes.
– La poupe s’enfonce de plus en plus, Sir !
– Préparez-vous à abandonner le navire ! ordonne Stubbs.
Se préparer seulement ! John Stubbs est un vieux marin fort de quatre années de guerre sans merci dans l’Atlantique Nord et il sait bien par expérience, qu’il ne faut pas condamner trop tôt le bateau.
Cinq minutes se sont à présent écoulées depuis le torpillage. Dans les environs, Haida que l’on ne voit pas mais dont on entend distinctement les salves d’artillerie, continue le combat.
Tous les hommes valides conjuguent leurs efforts pour sauver leur cher bateau. A grand peine et au prix de bien des souffrances, on est parvenu à traîner jusqu’à la plage arrière la pompe à incendie qui a un débit de 70 tonnes à l’heure. C’est en effet l’arrière qui est le plus touché et c’est par là que la mer envahit le navire. En hâte, on procède à l’assemblage des flexibles et beaucoup pensent que le bâtiment peut encore être sauvé.
C’est alors que de nouveau, dans un vacarme de fin du monde, une deuxième salve s’abat sur le malheureux Athabaskan et cette fois, c’est le coeur même du navire qui est atteint. Les chaufferies explosent, tuant tout le personnel qui s’y trouvait encore. Par les tuyauteries crevées, des jets de vapeur s’échappent en un sifflement strident qui déchire les oreilles, brûlant les quelques uns que l’explosion avait épargnés, mettant un terme aux souffrances des autres, couvrant les cris des blessés. Mais, venu des fonds du navire, audible seulement de certains, monte un bruit sinistre de déchirement. Cette fois, le coup est fatal et Athabaskan commence à se casser en deux.
« Aux postes d’abandon ! »
Le quartier-maître Émile Beaudoin reçoit l’ordre à son poste dans le PC Radio et s’exécute sans plus attendre. Ce n’est qu’en parvenant sur le rouf qu’il découvre avec stupeur l’étendue des ravages. En maints endroits, des incendies font rage ; les ponts sont jonchés de blessés qui gémissent ou appellent à l’aide ; partout où se pose la main, il y a du sang et par dessus cet indescriptible chaos, le sifflement suraigu de la vapeur qui continue de s’échapper. Beaudoin sent sous ses pieds le navire qui commence à se coucher.
Il faut faire vite !
À quelques mètres de là, William Mitchell, grièvement blessé aux jambes appelle au secours. Il se dirige vers lui mais lorsqu’il va enfin l’atteindre, survient un autre camarade qui dégage le blessé de dessous un tas de cordages, le soulève à bout de bras et le jette à la mer en criant :
– C’est tout ce que je peux faire pour toi !
Ce sera suffisant pour lui sauver la vie…
Après, tout va très vite et tout-à-coup, Émile Beaudoin se retrouve dans l’eau sans trop savoir comment il y est arrivé. Bon nageur, il s’éloigne vigoureusement de l’épave devenue un piège mortel.
Ayant parcouru quelques dizaines de mètres et s’estimant alors en sécurité, il se retourne pour regarder une dernière fois son bateau dont l’arrière a déjà disparu. Lentement, l’étrave sort de l’eau jusqu’à se dresser verticalement, mur noir sur le fond obscur du ciel.
Un affreux gargouillis, râle d’un navire qui meurt, l’épave qui s’enfonce maintenant très vite, trois vivats poussés par les survivants à l’adresse de leur bateau, un peu d’écume, un grand remous. C’est fini ! Douze minutes après avoir reçu le premier coup, HMCS Athabaskan a succombé.
Demain, l’Haida à la rescousse.
Source du texte : http://www.histomar.net/Manche/htm/selection.htm
Source des dessins : http://www.pc.gc.ca/apprendre-learn/prof/itm2-crp-trc/pdf/haidabrochure_f.pdf
Si vous avez des souvenirs de guerre de vos ancêtres que vous souhaitez partager…